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Un passé, un regard, un échange

La fête foraine

Les baraques de la fête foraine  

A l'approche de Noël, la foire de Béziers perturbait durant trois semaines la relative quiétude des riverains des Allées Paul Riquet et de la Citadelle. Elle prenait possession du site dans un vacarme bouillonnant occasionné par la manutention de barres de fer, poteaux, panneaux, décors, chapiteaux et accessoires. Dès la sortie des classes, vers 17 heures, le goûter en poche et le cartable sur le dos, nous accourions les yeux écarquillés, pour superviser cette hallucinante gesticulation, promesse de nos prochaines réjouissances. Un avant-goût de fêtes inscrit dans le désir de retrouver, un an après, nos jeux préférés et l'espoir d'y découvrir quelques originales nouveautés. Les jours suivants se languissaient sur les bancs du collège dans l'attente du premier jeudi d'ouverture. Et là, l'enchantement devenait total. Dans une ambiance électrique, musicale et jubilatoire, imprégnés des odeurs fortes d'huiles de friture à chichis, churros ou autres beignets, du parfum sucré de berlingots, chiques, barbes à papa, nos pas se faisaient d'abord hésitants, envoutés par la magie féérique des lieux et le mystère qui flottait autour des devantures de certaines baraques foraines. Ici, la femme-tronc  nous invitait àpasser sous son abri de planchesravivant nos peurs archaïques. Il y avait Yolanda, la femme-Hercule, dont les formes pulpeuses et caricaturales reproduites sur une peinture géante allumaient nos naissantes pulsions viriles. Nous masquions notre gêne entre copains par des rires crispés qui débouchaient sur quelques plaisanteries graveleuses: « Attention ! Derrière toi, la femme à barbe !! » Une publicité d'un rouge et noir agressif garantissait le frisson absolu dans le périlleux voyage du train fantôme, et tout à côté, le labyrinthe du palais des glaces qui jouissait d'une sulfureuse réputation selon laquelle quelques visiteurs s'y étant, une fois, imprudemment aventurés, n'en étaient ressortis qu'un jour plus tard! Et puis, la course infernale à l'intérieur d'une boule métallique de deux motards intrépides aux engins pétaradants qui tournaient à vitesse folle. Non loin, encore, des boxeurs en peignoir et gantés proposaient aux badauds un combat en trois rounds, promettant récompense en cas de victoire !  Il régnait sur la foire une atmosphère indéfinissable, mélange bizarre de sentiments ambivalents, fluctuant entre bravades démonstratives, craintes infantiles et joie exubérante.

Devant un décor de cimes enneigées, sur un relief vallonné, le Tourbillon blanc, procurait, par de brutales accélérations d'avant en arrière, des sensations vertigineuses et glaciales, qu'accentuaient les déplacements d'air frais et une boule à facettes argentées qui projetait sur les parois entoilées du chapiteau, une multitude de minuscules flocons lumineux virevoltants. Entrecoupée par le sifflement du blizzard diffusé depuis des haut-parleurs en pleine puissance sonore, la voix tonitruante du propriétaire forain lançait des injonctions à se cramponner et exhortait les nombreux curieux, massés autour de la chenille endiablée, à prendre place: « En voiture, en voiture !! ». Notre suffisante arrogance masculine mettait au défi les jeunes filles d'essayer le bateau bascule, un manège impressionnant, qui montait haut dans le ciel autour de deux axes verticaux et pouvait tourner jusqu'à 360°. Alors, pour pousser plus loin encore notre illusoire avantage de garçon, nous leur proposions de les accompagner dans les terribles méandres de la rivière sans retour,  au parcours plein de dangers, parsemé de squelettes gesticulants, de  chauves-souris frôlant à toucher et de toiles d' araignées monstrueuses qui, au summum de l'excitation et de l'horreur, dans la semi-obscurité de la grotte nous permettaient furtivement de dérober aux mignonnes un chaste baiser. (à suivre)

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