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Un passé, un regard, un échange

Sauclières, le temple...

Sauclières,

temple de notre jeunesse.

Les passions les plus coriaces, à l'évidence, naissent dès l'enfance et celle du ballon ovale -- banal, direz-vous, pour un biterrois-- qui m'habite depuis l' entrée au collège, s'est cristallisée, dimanche après dimanche, sur les gradins du mythique stade de Sauclières. Sa seule évocation propulse de ma mémoire une foule d'images sournoisement brouillées par les inévitables clichés qui accompagnent les légendes: l'ombre sublimée et la voix impressionnante de Jules CADENAT y rodent toujours, le visage des joueurs qui ont fait sa célébrité se superpose sur l'enceinte vieillissante. J'entends encore le brouhaha qui monte grandissant depuis les tribunes, le cliquetis des crampons métalliques sur le sol cimenté, précédant les rugbymen à la sortie des vestiaires. La rumeur s'amplifie jusqu'à devenir ovation à l'apparition de nos couleurs «Allez, les rouges et bleus !». Applaudissements, sifflets, murmures d'impatience, vociférations réservée à l'équipe visiteuse, promesses menaçantes à l'encontre du meneur de jeu «L'arbitre au Canal»!!

Pour moi, jour de match s'apparentait à jour de fête. A partir du dimanche matin, l'évènement sportif à venir occupait totalement mon esprit. Je ne quittais plus des yeux les aiguilles trainardes de la pendule, à la grande irritation de mon père qui m'exhortait à davantage d'action. Vers 14 heures, enfin, d'un pas vif et léger, je prenais la direction du stade, franchissant allègrement les 3 kms qui le séparaient de notre jardin potager du plan de la Galinière, où nous aérions avec sérénité le repos dominical .

La licence sportive UFOLEP autorisait mes 13 ans à une entrée gratuite; j'accédais donc à l'espace populaire Sud/Ouest, derrière les poteaux, pour écouter la sage parole des Anciens, leurs pronostics et schémas tactiques d'avant match. Dès le début de la partie, si leurs commentaires manquaient singulièrement d'impartialité, parfois même de lucidité quant à l'interprétation de la règle ou d'une décision arbitrale --surtout si elle nous était défavorable -- ils me confortaient dans un sentiment puissant d'appartenance au groupe, à cette équipe, à notre ville. Dans cette ambiance partisane, je me sentais fort, envahi d'une confiance indestructible envers nos favoris qui, à n'en rien douter, défendraient fièrement l'honneur de notre maillot.

L'ASB de l'époque, mais est-ce bien utile de le préciser, tirait sa renommée d'un solide paquet d'avants, avec une première ligne de fer: MAS, BOLZAN, BARRIERE. Face à nos adversaires, le facteur André GAYRAUD faisait figure de terreur…une réputation injustifiée quand on connaissait, dans le civil, la gentillesse de l'homme. Le derby amical ne l'était vraiment que sur l'affiche, et remplissait copieusement les travées à l'heure de l'affrontement. Celui, en particulier, qui nous opposait à l'USAP donnait cours à de rudes empoignades sur la pelouse et propageait sa fureur contagieuse dans les tribunes "Catalan bourrrro !!!... Gavach porrrrc!!"

Je repasse dans ma tête les noms qui, au fil des années, composèrent notre XV. Dans le secret de mon ressenti d'adolescent, et à contre courant des vertus de collectif que la noblesse de ce jeu impose , je m'étais désigné comme idoles -- que les autres me le pardonnent-- Pierre DANOS et Lucien ROGER . Ah, si seulement, élève aux performances scolaires fluctuantes, j'avais manifesté pour les apprentissages le même engouement!

Pour finir, j'oserai une anecdote toute personnelle, en forme de clin d'oeil affectif à l'un des plus fidèles supporters de notre chère ASB. J'eus, un dimanche matin d'avant match à Sauclières, la malheureuse imprudence de me présenter, autour de 11 heures, au salon de coiffure tenu par l'ami Ludovic, avenue Joffre, à l'angle de la rue du Coq, afin qu'il rafraîchisse sobrement la chevelure désordonnée de mes 15 printemps. Par malchance, comme à cette heure tardive j'étais son unique client, il entreprit, peigne et ciseaux en main, de me démontrer l'efficacité de la méthode mise en oeuvre par l'entraîneur biterrois du moment, Raymond BARTHEZ. Avec dextérité et minutie, il conjugait son travail avec les mouvements d'attaque de notre ligne de 3/4, matérialisant judicieusement la position de chaque joueur sur le terrain avec blaireaux, bols, rasoirs et je ne sais plus quels autres accessoires indispensables à sa profession. Il était bien plus de midi lorsque je regagnais le logis familial, rue d'Envedel, mais je ne suis pas prêt d'oublier le regard affligé de ma mère découvrant ma nouvelle coupe de cheveux...extrèmement clairsemés! Je l'affirme Ludo, je ne t'en ai jamais voulu. Nous partagions la même passion en Rouge et Bleu. Que pouvait donc peser ce loupé de Figaro comparé à ton récit, même outrageusement enjolivé, de tous ces magnifiques essais dont tu as été le témoin? !!

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